Et si nous sauvions le fleuret ?

Date 18-06-2009 22:50:00 | Sujet : Divers

Le fleuret est une arme qui connaît un malaise depuis de longues années. Malgré qu’elle soit l’arme à laquelle on débute traditionnellement (certes, ce n’est pas obligatoire), elle est souvent abandonnée par les tireurs gagnant en âge et d’autres dégoûtés par la situation de cette arme en compétition. Certains en ont témoigné là ou là
Ce malaise est né suite à l’apparition de manière de tirer bien plus physique qu’auparavant. Les déplacements ont gagné en importance (suivant en cela la tendance du sabre) et certaines techniques se sont développées, comme par exemple les coups lancés. Ce malaise aurait pu disparaître progressivement, comme celui né de l’électrification du fleuret. Cependant, il n’a fait que s’amplifier.

Ce malaise provient essentiellement de l’arbitrage, les décisions étant de plus en plus mal comprises et de plus en plus imprévisibles en fonction l’arbitre. En effet, les arbitres se sont progressivement adaptés aux nouvelles manières de tirer. Hélas, plutôt que d’appliquer el règlement strictement, on s’est mis à proposer des interprétations du règlement n’en suivant plus ni la lettre ni l’esprit. Le principal problème est venu de la conception de l’attaque.

Le règlement de fleuret est à l’origine d’une perfection remarquable. Pourtant, on voit encore des désaccords flagrants sur l’analyse de phrases d’armes, pourtant exprimées de manière théorique, ce qui déjà supprime les différences de perception et de mémorisation entre arbitres (là et la suite).

La FIE a réagi en modifiant le règlement. Le temps de blocage a été réduit et celui de contact augmenté. La diminution du temps de blocage pose un problème particulier puisque le fleuret suit une convention précise. Or, en objectivant le temps d’escrime grâce à un temps électronique, on éloigne encore plus le fleuret de la réalité du règlement toujours fondé sur la phrase d’armes définie précisément. L’effet sur le fleuret pratiqué au haut niveau s’est particulièrement senti sur le fleuret féminin qui ne semble pas y avoir gagné. Il semble que l’extension de la surface valable à une partie de la bavette ne soit qu’une fuite en avant devant le malaise qui perdure.

Sans doute, les réformes de la FIE sont-elles vouées à aggraver ce malaise. Encore une fois par le hiatus qu’il y a entre l’objectivisation du temps d’escrime et le maintien d’une phrase d’armes définissant strictement l’ordre des priorités. Par exemple, on peut très bien faire une parade riposte et ainsi avoir pleinement raison par rapport aux articles t.56 à t.60 du règlement, mais dans les faits avoir tort, parce que le temps de blocage étant fort court, la riposte ne peut toucher. De plus, les réformes proposées ne s’inspirent que de la situation dans le haut-niveau : ainsi, elles ne prennent pas du tout en compte l’aspect pédagogique du fleuret. Puisque la phrase d’armes s’efface à cause d’un temps de blocage trop court, ce que le débutant apprend devient caduc. Dorénavant, on lui dit : voilà comment on fait en théorie, mais en pratique, ce n’est que la remise qui compte !!! Donc, la théorie ne correspond plus à la pratique.

Ainsi, on le voit, le malaise naît au cœur même du règlement, entre sa partie technique et sa partie matériel.

Comme nous le disions, l’origine du malaise, les dérives techniques, vient sont en rapport avec une difficulté liées à l’attaque et sa définition. Les tireurs se sont mis à attaquer avec une pointe qui n’était plus dirigé vers la surface valable (par exemple pour les coups lancés) ou à faire des attaques avec force de déplacements en avant, mais un bras court. Le règlement aurait dû permettre de solutionner cette difficulté. Mais on s’est mis à ne plus le lire ou à mal le lire. Sa lecture n’est plus une évidence pour les arbitres (voir là) et on se contente de se référer à des interprétations du règlement plutôt qu’au règlement (là).

Après longuement réfléchi là à la définition de l’attaque, il nous est apparu que le règlement était d’une imperfection très relative. Le règlement ne correspond pas à la vision qu’on trouve dans les traités d’escrime. Bien souvent, plutôt que d’appliquer la stricte logique contenue dans le règlement, on biaise en reprenant des notions tirées des traités. D’où un hiatus dans l’interprétation.

Pourtant, nous l’avons dit, le règlement est parfait. Parfait, si on se contente de n’utiliser que ce que dit le règlement et seulement le règlement. Ainsi, à y bien regarder, on peut laisser tomber bien des notions de traités indispensables à titre pédagogiques ou pour une analyse plus claire.

A bien lire le règlement, on peut se contenter en matière d’attaque et de priorité d’articuler deux notions qui suffisent :
- l’attaque est un allongement le bras et menaçant continuellement la surface valable de l'adversaire, précédant le déclenchement de la fente ou de la flèche (t7)
- la pointe en ligne est une position particulière dans laquelle l’escrimeur maintient le bras armé tendu et menace continuellement avec la pointe de son arme la surface valable de son adversaire (t10)
Si on articule bien ces deux gestes repris pour le fleuret dans t56 à t60, on s’aperçoit qu’en fait : les déplacements n’ont pas d’importance pour juger de la phrase d’armes, mais seulement le bras. Si on a le bras allongé et qu’on avance, c’est une attaque au sens du règlement, et si on a le bras allongé et qu’on ne bouge pas ou qu’on recule, c’est une pointe en ligne. Dans les deux cas, on a la priorité.
D’où la seule conclusion possible, si on suit le règlement à la lettre : les déplacements, les jambes, n’ont aucune importance pour définir la priorité, seul le bras compte
Malheureusement, ce n’est plus dans cette pure simplicité de l’allongement du bras qu’on juge, mais de plus en plus du fait de déplacement en avant.
Or avancer le bras court, cela ne permet pas à l’adversaire de faire une parade. Si on ne peut faire de parade, la phrase d’armes n’a plus aucun sens. Seul compte la suite des déplacements, et non ce qu’on fait avec sa lame : la tendre pour menacer ou pour parer.

Donc, voilà les solutions après cette analyse pour sauver le fleuret.
- Désobjectivisation du temps d’escrime par suppression du temps de blocage : le fleuret est une arme conventionnelle soumise au respect de la phrase d’armes. L’appareil électronique n’a pas à intervenir dans le jugement de la priorité. Le temps de blocage doit donc être supprimé pour que seul l’arbitre juge de la priorité et du temps d’escrime. L’appareil ne doit être qu’un indicateur de la touche valable ou non valable.
- Application du règlement claire nette simple : le message doit être clair au niveau de l’interprétation du règlement. Le règlement dit que l’allongement du bras suffit à avoir la priorité, peu importe les déplacements. Il faut donc que l’arbitre se focalise sur l’allongement du bras, un point c’est tout. Les arbitres doivent être formés en conséquence. Or, plus le principe est simple, plus il est aisé à appliquer. Dire, regarder les bras, cela simplifiera l’arbitrage grandement.

Ainsi, les réformes qui ont été faites pour sauver le fleuret ne font qu'aggraver la situation. Il suffit juste de revenir aux fondamentaux car nous vivons là une crise d'identité de l'arme.



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