Le Fleuret masculin aux Jeux Olympiques
Jusqu’à la fin des années cinquante, les Jeux récompensaient les champions connus et reconnus. A cette époque, l’escrime méritait bien son nom de sport confidentiel et c’est sans trop forte opposition que Français et Italiens se partageaient titres et médailles.
Avec l’arrivée du contrôle électrique, le fleuret est devenu plus physique. On pouvait également tenter des coups très vifs qui auraient échappé aux juges et assesseurs, mais qui allumaient les lampes. C’est ainsi que l’on vit l’émergence des Pays de l’est, mais également le fait que les « favoris » n’avaient plus la marge de supériorité que leur permettait le jugement humain. Ce fut le début des surprises.
Les années soixante : France et Pays de l’est
Coup de tonnerre à Rome en 1960 avec un doublé des Soviétiques Jdanovitch et Sissikine ! Ils ne confirmeront pas, mais ouvriront la voie à des tireurs de première grandeur comme Svechnikov, Poutiatine et Stankovitch. Ceux-ci allaient d’ailleurs devenir chacun champions du monde, mais échouèrent aux Jeux .
De son côté, la France disposait d’un trio exceptionnel avec Jean-Claude Magnan, Daniel Revenu et Christian Noël. Tous trois auraient mérité l’or ; ils en sont passés à un souffle, respectivement derrière Francke (Pol) en 1964, Drimba (Roum) en 1968 et Woyda (Pol) en 1972. Nos trois Français eurent toutefois la récompense de leur valeur en décrochant de haute lutte le titre par équipes en 1968 à Mexico devant les Russes et Polonais.
Soviétiques, Français, Polonais et Roumains, voilà une assez bonne image des pays phares de cette période. A cette époque, les Allemands, malgré les titres mondiaux de Friedrich Wessel, et, surtout, les Italiens, effectuaient leur traversée du désert. Mais préparaient leur réveil …
Union Soviétique et Italie
Stupeur à Montréal en 1976, Dal Zotto, Italien de 19 ans quasi inconnu, souffle la médaille d’or au grandissime favori Alexandre Romankov. Ce dernier, un des plus admirables fleurettistes que j’ai vu, butera toujours devant cette ultime marche. Barré à Moscou en 1980 par son compatriote, le regretté Smirnov, il pâtira du boycott des Jeux de Los Angeles et s’inclinera en demi-finale à Séoul. Il aurait mérité cet or.
Dal Zotto ne confirmera pas totalement son exploit d’un jour, mais annonçait la très forte génération Italienne qui allait suivre. C’était à leur tour de présenter un trio majeur avec Borella, Numa et Cerioni. Si les deux derniers l’emportèrent en 1984 à Atlanta et en 1988 à Séoul, c’est curieusement le plus doué d’entre eux, Borella, qui sera resté à quai. Malgré ses innombrables victoires en Coupe du Monde et son titre Mondial en 1986, il n’a pas su gérer la pression très particulière des Jeux Olympiques.
Les Français ne restaient pas loin. Talvard décrochait la médaille de bronze à Montréal et Pascal Jolyot -la plus belle main que j’aie jamais vue- manquait d’un cheveu la médaille d’or à Moscou. La France remportait d’ailleurs une magnifique médaille d’or par équipes en s’imposant aux Soviétiques sur leur terrain.
La France allait cependant connaître une décennie assez discrète au fleuret (au contraire des épéistes !). Seuls Philippe Omnés, et dans une moindre mesure Patrice Lhotellier, avaient une carrure internationale. Omnès faillit d’ailleurs l’emporter en tableau devant Numa en 1984, mais ce dernier avait une plus grande maturité et c’est logiquement qu’il alla au bout.
Mondialisation
Dans les années quatre vingt dix, les Circuits de coupe du monde se sont multipliés. On commençait à voir les Coréens et, surtout, les Cubains. L’escrime Cubaine était un régal à regarder ; alliant souplesse et détente, ils plaçaient des accélérations foudroyantes et étaient passés maîtres dans le coup lancé. Leurs trois meilleurs champions, Garcia-Perez, Tucker et Gregory, échoueront toutefois dans leur quête de l’or. Ils se sont retirés et ne sont pas à la veille de trouver des successeurs car Dieu sait quand les Cubains retrouveront les conditions matérielles et financières nécessaires.
Les Européens conservaient donc la main. Philippe Omnès touchait le sommet en 1992 à Barcelone après un assaut d’anthologie contre Goloubitsky (lui aussi grand absent du palmarès Olympique) et l’Italien Puccini s’imposait à Lionel Plumenail en 1996 à Atlanta au terme d’un match où chacun eut sa chance.
Les Jeux de Sydney en 2000 saluaient l’arrivée définitive du fleuret Asiatique. En individuel, le Coréen Kim, après s’être défait non sans mal de Brice Guyart en tableau, parvenait à repousser l’Allemand Bissdorf en finale. Et en équipes, la Chine ne s’inclinait que d’une touche devant la France, une touche …contestable.
Chine, Corée et Japon réaffirmaient leur présence quatre ans plus tard à Athènes en plaçant 5 tireurs dans le tableau de 16. A force de pousser, ne doutons pas qu’ils passeront de la deuxième moitié à la première. En attendant - tel un retour aux sources - c’est encore un match France-Italie que l’on vit en finale où un flamboyant Brice Guyart s’imposait à Sanzo.
J’ai revu de nombreuses fois les videos de Brice dans la conquête de son titre car c’est un modèle du genre. Je pense qu’il a gagné avant tout parce qu’il n’a jamais douté. Ensuite parce qu’il avait une formidable variété de coups, toujours exécutés avec à-propos. Cette lucidité alliée à sa condition physique (monstrueux marcher-fente sur la dernière touche) a également été aidée par un soupçon de réussite. Et n’oublions pas pour finir l’excellent coaching de Patrice Menon. Oui, il faut tout ça pour aller au bout.
Qui a ce profil ?
Quel vainqueur à Pékin ?
Baldini et Kleibrink sont les plus forts, mais on a vu que ce sont rarement les favoris qui l’emportent. De son côté, Sanzo jouera sa dernière chance ; malgré son expérience, je doute qu’il arrive à toucher enfin son but, mais il en est capable. Je crois beaucoup en Joppich. Ses trois titres mondiaux ont montré qu’il avait un sacré mental …mais n’oublions pas que Romankov, malgré ses cinq titres mondiaux, n’a jamais touché l’or Olympique.
Que penser des Asiatiques ? Les Chinois Zhu, et surtout Lei, porteront les espoirs de tout un peuple. Sauront-ils résister à la pression ? N’oublions pas les Japonais. Un devin me dirait : « ce sera Ota le Champion Olympique », je répondrais : « c’est très possible ». Je crois moins aux chances de son compatriote Chida ou du Coréen Choi.
Et les Français ? Erwann a une belle carte à jouer. Il a montré qu’il pouvait battre les meilleurs, mais le faire dans une finale Olympique, c’est une autre affaire. Je le crois toutefois capable de décrocher une médaille. Malgré toute l’admiration que j’ai pour Brice, je ne pense pas qu’il ira sur le podium. Les nouvelles normes ont « tué » le merveilleux fleurettiste qui était capable d’infliger un 15/3 à des tireurs de premier plan. Je salue son retour et lui souhaite très fort de me donner tort.
Bref, une bonne demi-douzaine de tireurs peuvent légitimement croire en leurs chances. Dés les tableaux de 8, tous les matches seront dignes d’une finale, et pourtant il n’y aura qu’un seul vainqueur. C’est la loi cruelle de la Compétition, mais, plus que toute autre compétition, la dernière touche procurera au vainqueur une sensation à nulle autre comparable.
Pourquoi une telle béatitude? Je laisse la parole et le mot de la fin au journaliste Antoine Blondin : « Etre champion du Monde, ça n’est jamais qu’une manière un peu élargie d’être le meilleur de sa rue. Un titre Olympique rend un tout autre diapason ; il qualifie moins une supériorité dans l’espace qu’une suprématie dans le temps. Un parfum d’éternité l’accompagne».
Avec l’arrivée du contrôle électrique, le fleuret est devenu plus physique. On pouvait également tenter des coups très vifs qui auraient échappé aux juges et assesseurs, mais qui allumaient les lampes. C’est ainsi que l’on vit l’émergence des Pays de l’est, mais également le fait que les « favoris » n’avaient plus la marge de supériorité que leur permettait le jugement humain. Ce fut le début des surprises.
Les années soixante : France et Pays de l’est
Coup de tonnerre à Rome en 1960 avec un doublé des Soviétiques Jdanovitch et Sissikine ! Ils ne confirmeront pas, mais ouvriront la voie à des tireurs de première grandeur comme Svechnikov, Poutiatine et Stankovitch. Ceux-ci allaient d’ailleurs devenir chacun champions du monde, mais échouèrent aux Jeux .
De son côté, la France disposait d’un trio exceptionnel avec Jean-Claude Magnan, Daniel Revenu et Christian Noël. Tous trois auraient mérité l’or ; ils en sont passés à un souffle, respectivement derrière Francke (Pol) en 1964, Drimba (Roum) en 1968 et Woyda (Pol) en 1972. Nos trois Français eurent toutefois la récompense de leur valeur en décrochant de haute lutte le titre par équipes en 1968 à Mexico devant les Russes et Polonais.
Soviétiques, Français, Polonais et Roumains, voilà une assez bonne image des pays phares de cette période. A cette époque, les Allemands, malgré les titres mondiaux de Friedrich Wessel, et, surtout, les Italiens, effectuaient leur traversée du désert. Mais préparaient leur réveil …
Union Soviétique et Italie
Stupeur à Montréal en 1976, Dal Zotto, Italien de 19 ans quasi inconnu, souffle la médaille d’or au grandissime favori Alexandre Romankov. Ce dernier, un des plus admirables fleurettistes que j’ai vu, butera toujours devant cette ultime marche. Barré à Moscou en 1980 par son compatriote, le regretté Smirnov, il pâtira du boycott des Jeux de Los Angeles et s’inclinera en demi-finale à Séoul. Il aurait mérité cet or.
Dal Zotto ne confirmera pas totalement son exploit d’un jour, mais annonçait la très forte génération Italienne qui allait suivre. C’était à leur tour de présenter un trio majeur avec Borella, Numa et Cerioni. Si les deux derniers l’emportèrent en 1984 à Atlanta et en 1988 à Séoul, c’est curieusement le plus doué d’entre eux, Borella, qui sera resté à quai. Malgré ses innombrables victoires en Coupe du Monde et son titre Mondial en 1986, il n’a pas su gérer la pression très particulière des Jeux Olympiques.
Les Français ne restaient pas loin. Talvard décrochait la médaille de bronze à Montréal et Pascal Jolyot -la plus belle main que j’aie jamais vue- manquait d’un cheveu la médaille d’or à Moscou. La France remportait d’ailleurs une magnifique médaille d’or par équipes en s’imposant aux Soviétiques sur leur terrain.
La France allait cependant connaître une décennie assez discrète au fleuret (au contraire des épéistes !). Seuls Philippe Omnés, et dans une moindre mesure Patrice Lhotellier, avaient une carrure internationale. Omnès faillit d’ailleurs l’emporter en tableau devant Numa en 1984, mais ce dernier avait une plus grande maturité et c’est logiquement qu’il alla au bout.
Mondialisation
Dans les années quatre vingt dix, les Circuits de coupe du monde se sont multipliés. On commençait à voir les Coréens et, surtout, les Cubains. L’escrime Cubaine était un régal à regarder ; alliant souplesse et détente, ils plaçaient des accélérations foudroyantes et étaient passés maîtres dans le coup lancé. Leurs trois meilleurs champions, Garcia-Perez, Tucker et Gregory, échoueront toutefois dans leur quête de l’or. Ils se sont retirés et ne sont pas à la veille de trouver des successeurs car Dieu sait quand les Cubains retrouveront les conditions matérielles et financières nécessaires.
Les Européens conservaient donc la main. Philippe Omnès touchait le sommet en 1992 à Barcelone après un assaut d’anthologie contre Goloubitsky (lui aussi grand absent du palmarès Olympique) et l’Italien Puccini s’imposait à Lionel Plumenail en 1996 à Atlanta au terme d’un match où chacun eut sa chance.
Les Jeux de Sydney en 2000 saluaient l’arrivée définitive du fleuret Asiatique. En individuel, le Coréen Kim, après s’être défait non sans mal de Brice Guyart en tableau, parvenait à repousser l’Allemand Bissdorf en finale. Et en équipes, la Chine ne s’inclinait que d’une touche devant la France, une touche …contestable.
Chine, Corée et Japon réaffirmaient leur présence quatre ans plus tard à Athènes en plaçant 5 tireurs dans le tableau de 16. A force de pousser, ne doutons pas qu’ils passeront de la deuxième moitié à la première. En attendant - tel un retour aux sources - c’est encore un match France-Italie que l’on vit en finale où un flamboyant Brice Guyart s’imposait à Sanzo.
J’ai revu de nombreuses fois les videos de Brice dans la conquête de son titre car c’est un modèle du genre. Je pense qu’il a gagné avant tout parce qu’il n’a jamais douté. Ensuite parce qu’il avait une formidable variété de coups, toujours exécutés avec à-propos. Cette lucidité alliée à sa condition physique (monstrueux marcher-fente sur la dernière touche) a également été aidée par un soupçon de réussite. Et n’oublions pas pour finir l’excellent coaching de Patrice Menon. Oui, il faut tout ça pour aller au bout.
Qui a ce profil ?
Quel vainqueur à Pékin ?
Baldini et Kleibrink sont les plus forts, mais on a vu que ce sont rarement les favoris qui l’emportent. De son côté, Sanzo jouera sa dernière chance ; malgré son expérience, je doute qu’il arrive à toucher enfin son but, mais il en est capable. Je crois beaucoup en Joppich. Ses trois titres mondiaux ont montré qu’il avait un sacré mental …mais n’oublions pas que Romankov, malgré ses cinq titres mondiaux, n’a jamais touché l’or Olympique.
Que penser des Asiatiques ? Les Chinois Zhu, et surtout Lei, porteront les espoirs de tout un peuple. Sauront-ils résister à la pression ? N’oublions pas les Japonais. Un devin me dirait : « ce sera Ota le Champion Olympique », je répondrais : « c’est très possible ». Je crois moins aux chances de son compatriote Chida ou du Coréen Choi.
Et les Français ? Erwann a une belle carte à jouer. Il a montré qu’il pouvait battre les meilleurs, mais le faire dans une finale Olympique, c’est une autre affaire. Je le crois toutefois capable de décrocher une médaille. Malgré toute l’admiration que j’ai pour Brice, je ne pense pas qu’il ira sur le podium. Les nouvelles normes ont « tué » le merveilleux fleurettiste qui était capable d’infliger un 15/3 à des tireurs de premier plan. Je salue son retour et lui souhaite très fort de me donner tort.
Bref, une bonne demi-douzaine de tireurs peuvent légitimement croire en leurs chances. Dés les tableaux de 8, tous les matches seront dignes d’une finale, et pourtant il n’y aura qu’un seul vainqueur. C’est la loi cruelle de la Compétition, mais, plus que toute autre compétition, la dernière touche procurera au vainqueur une sensation à nulle autre comparable.
Pourquoi une telle béatitude? Je laisse la parole et le mot de la fin au journaliste Antoine Blondin : « Etre champion du Monde, ça n’est jamais qu’une manière un peu élargie d’être le meilleur de sa rue. Un titre Olympique rend un tout autre diapason ; il qualifie moins une supériorité dans l’espace qu’une suprématie dans le temps. Un parfum d’éternité l’accompagne».
Les commentaires sont la propriété de leur auteur. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur | Discussion |
---|---|
vTROTTA |
Publié: 18-07-2008 21:34
Mis à jour:18-07-2008 22:31
|
Fait partie des meubles
Joint: 16-05-2006
De:
Commentaires: 4461
|
Re: Le Fleuret masculin aux Jeux Olympiques
Un bon article de fond qui nous amène tout droit aux pronostics pour ces JO.
Dans cette arme, on ne voit pas a priori que l'or puisse échapper aux italiens ou aux allemands, voire aux français. Baldini semble hors-classe (en l'absence de Cassara), mais je miserais bien sur Sanzo, qui sur sa motivation peut faire quelque chose (depuis qu'il a décroché sa qualification, il est en retrait de manière très, trop voyante) ; je pense qu'il n'a jamais digéré la défaite de 2004, ce qui lui donne un surcroît de motivation. Chez les allemands, je voyais plus Joppich, mais le point de vue de prime me met le doute. Côté français, si une victoire au mérite existait, Le Pechoux serait favori. Quant à Guyart, je ne crois pas à un résultat non plus. Pour les outsiders, je verrais bien un polonais ou un japonais, voire le jeune prodige américain Meinhardt (ça serait marrant qu'il gagne et que Szilagyi fasse de même au sabre ). |
guennadiy |
Publié: 26-07-2008 19:10
Mis à jour:29-07-2008 11:20
|
Bavard
Joint: 18-05-2003
De: Brasil,São Paulo.
Commentaires: 38
|
Re: Le Fleuret masculin aux Jeux Olympiques
Il´est vrai bon article!!Depuis de 50 années le Fleuret est ma passion.J´ai tiré et m´entrâiné avec Midler,Jdanovitch,Rudov,Ryumin,Sisikin,Charov et d´autres.Belle epoque de fleuret.Maintenant je suis maître d´armes et un de mes eléves est D.Shevtchenko.A mon avis:Brice,Kleibrink,Lei.
|
NONO |
Publié: 12-08-2008 10:33
Mis à jour:14-08-2008 18:50
|
Dort sur place
Joint: 10-04-2003
De:
Commentaires: 547
|
Re: Le Fleuret masculin aux Jeux Olympiques
J'au quand même trouvé une erreur dans ce très bon article, une faute d'inattention de prime, qui en citant les JO de 1984, les a situé à Atlanta et pas à Los Angelès
ok je sors |