La couleur de l'argent

Date 27-08-2004 00:34:14 | Sujet : JO Athènes 2004

Tout commence par une longue file d'attente. Si c'était en noir et blanc, on pourrait croire à un documentaire où la population patiente pour obtenir des tickets de rationnement. Mais non, ici, les images sont en couleurs et on mange des hamburgers. Apparaît un masque d'escrime soulevé par une charmante petite fille, portée par sa maman, Laura Flessel. Le slogan explique que le roi des hamburgers aime l'escrime, et que la famille Flessel "craque" pour les poulets frits de cette enseigne. Fin sur de larges sourires ravis.
A priori, rien de très anormal à voir une sportive émérite tourner dans une publicité. Aujourd'hui, les sportifs professionnels vendent tout et n'importe quoi à longueur de temps, alors, en cette période olympique, et encore plus pour les sportifs amateurs, c'est l'occasion de gagner de l'argent en vendant son image, d'autant que les sponsors n'hésitent pas à se servir d'eux. Sans compter que "l'esprit olympique" n'est pas de mise entre les multinationales. Preuve en est les exigences imposées aux spectateurs entrant dans l'enceinte olympique par les entreprises subventionnant les Jeux (interdiction d'apporter à boire ou à manger sur les sites, Mac Donald et Coca-Cola étant présents; interdiction d'apporter "des articles (t-shirts, chapeaux, sacs, etc.) qui portent la marque des entreprises concurrentes des partenaires"; obligation d'utiliser une carte de crédit Visa,....)*.
Alors, gavés de publicités comme nous le sommes, qu' y-a-t-il de choquant à voir la "guêpe" tirer son épée du jeu ? Rien, au contraire. En revanche, pour de l'argent, peut-on tout cautionner et se vendre à n'importe qui afin de s'assurer un avenir un peu plus doré ? Non. Car que suggère cette publicité regardée par des millions de téléspectateurs, dont de nombreux enfants ? Qu'une escrimeuse hors pair, plusieurs fois médaillée olympique, aime une nourriture -et suppose-t-on, ce qui l'accompagne, fritures et sodas - pour elle-même et sa fille et que donc cette consommation doit être saine puisqu'elle en fait la promotion . Or, de nombreuses études et un excellent documentaire** sorti récemment sur les écrans prouvent que ces aliments sont une nuisance pour l'organisme, entraînant de nombreuses anomalies physiques, voire psychiques. Mêler cette enseigne au sport sous-entend qu'elle n'est pas dangereuse. Si c'est le cas, pourquoi les sportifs de Haut-Niveau suivent-ils une hygiène alimentaire stricte, encore plus à l'approche d'évènements majeurs ? Gonflée de sodas et de poulets frits, Laura Flessel aurait-elle été une nouvelle fois doublement médaillée à Athènes ? Evidemment que non. Si ce qu'elle vend était son alimentation quotidienne, elle ne ferait pas de sport, ou éventuellement en tant que sumo (et encore, c'est râté, ils se nourrissent de poulet... frais!).
A l'heure où le sport est mis en scène et glorifié à des fins économiques ou politiques, où le sportif prend plus de place dans la vie publique que les penseurs, ne devrait-il pas s'interroger sur les messages qu'il propage ? Mlle Flessel, votre talent est récompensé par une médaille d'argent. Cette couleur vous sied admirablement. Pour tous ceux qui vous estiment, faîtes qu'elle vous pare, et non qu'elle vous égare.

Sarah MICHEL.

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* Voir les conseils aux spectateurs sur le site officiel : http://www.athens2004.com/fr/specAdviceRestricted

** Super Size Me de Morgan Spurlock.
Pour en savoir plus :
- Critique du film
- Site officiel du film



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